25 Décembre 1996, pendant qu'en France, les enfant déballent leurs cadeaux divinement apportés par le Père Noël, au Sud de l'Australie, un navigateur est en train de sombrer ! Le début d'une longue et malheureuse série dans cette édition du Vendée Globe maudite…
3 Novembre 1996, Les Sables d'Olonne, 15 bateaux officiellement au départ, seulement 6 seront à l'arrivée. Toutes les conditions sont réunies afin d'avoir une fête extraordinaire au départ de ce troisième Everest des courses au large. Le port des Sables d'Olonne est noir de monde, le peuple est venu en nombre acclamer ses héros des mers !
Pour la première fois, des femmes sont au départ de la course : Isabelle Autissier et Catherine Chabaud. Plusieurs favoris se dégagent de l'épreuve, notamment Yves Parlier doté d'un bateau de toute nouvelle génération. En effet, son équipe a mis au point le premier monocoque possédant un mât-aile soutenu par des outriggers. Nous pouvons aussi distinguer le bizuth de l'épreuve Christophe Auguin, le Canadien Gerry Roufs ou encore Isabelle Autissier. D'autres noms ne sont pas inconnus du Grand Public comme Bertrand de Broc par exemple qui dût se recoudre la langue, seul, perdu au milieu de l'océan lors de l'édition précédente, ou encore Nandor Fa, le skipper hongrois.
Cette édition voit aussi l'apparition d'un skipper hors du commun : le pirate Raphaël Dinelli !
Après avoir terminé à la dixième place de la Solitaire du Figaro 1995, il décide alors de se lancer un nouveau défi : participer au Vendée Globe 1996-1997. Pour cela, l'organisateur de la course Philippe Jeantot (qui eu l'idée de cette compétiton en s'inspirant du mythique Golden Globe Challenge) lui laisse à disposition le bateau avec lequel il a participé à la première édition de l'épreuve, en échange d'une remise en état de celui-ci. Il trouve différents sponsors afin d'effectuer son tour du monde mais à moins d'un mois du départ, son budget est en déficit de plus d'un million de francs. Ce n'est que deux petites semaines avant le départ qu'il trouve son sponsor principal lui permettant de combler son déficit, il concourra alors sur le bateau au nom du produit Algimouss. Cependant, il doit encore effectuer son parcours de qualification de 2 000 milles marins sur son nouveau bateau afin de valider définitivement sa qualification. Mais, une violente tempête en mer d'Irlande l'empêchera d'effectuer son parcours. Il ne pourra donc pas être officiellement au départ du plus grand tour du monde en solitaire et sans escale du monde. Philippe Jeantot, lui fournira tout de même une balise de positionnement, il pourra donc courir “officieusement” l'épreuve. La presse française le surnommera alors “le pirate du Vendée Globe”. Il prendra la mer 15 minutes après le départ des autres concurrents mais n'apparaîtra pas dans les classements officiels de la course. Il n'y aura donc pas 15, mais 16 bateaux au départ du Tour du Monde.
Revenons à notre course. Dès l'approche du Golfe de Gascogne, plusieurs navires sont obligés de rebrousser chemin en retournant aux Sables d'Olonne (seul port auquel les skippers ont le droit de s'amarrer pendant la course) afin de réparer différentes avaries. C'est le cas de Tony Bullimore, Thierry Dubois ainsi que de Nandor Fa. Un petit peu plus tard, un premier concurrent doit déjà abandonner la course en raison d'un démâtage : il s'agit de Didier Munduteguy. Il sera suivi de peu par Nandor Fa, skipper du bateau Budapest, qui abandonnera après avoir subi une avarie de quille mais également après avoir évité de justesse une collision avec un cargo.
Quatre marins se détachent alors au passage de l'entrée dans l'Océan Indien : Christophe Auguin, Isabelle Autissier, Gerry Roufs et Yves Parlier. Il n'en restera bientôt qu'un seul !
En effet, durant la journée du 1er Décembre, une vague brise un des safrans du bateau d'Isabelle Autissier sponsorisé par PRB. Elle doit donc se dérouter et aller réparer son safran meurtri au Cap. Elle sera mise hors course pour avoir fait une escale, mais, comme elle le dit elle-même “Même si je ne suis plus en course, dans ma tête j'y suis toujours, tant que je ne suis pas arrivée aux Sables, la course continue !” Elle reprendra donc sa route dès la réparation terminée de son bateau.
Le lendemain, Yves Parlier connaîtra la même sentence : un safran cassé lors d'un choc avec un OFNI. Il devra à son tour lui aussi s'arrêter réparer les dégâts causés, sera déclaré hors course mais bouclera tout de même son tour du monde en solitaire. Il en sera de même pour Thierry Dubois, le skipper du bateau Amnesty International, qui devra lui aussi rentrer au Cap afin de faire réparer un safran endommagé. Il décidera également de continuer son tour du monde en solitaire après les réparations malgré son abandon de la course. Christophe Auguin, “rescapé” de ces différentes casses et qui a réussi à distancer Gerry Roufs, prendra donc, seul, la tête de la course et ne la perdra plus jusqu'à l'arrivée.
Cependant, ce n'est que le début des galères pour les différents skippers venus dompter le Vendée Globe 1996. A l'aube du jour de Noël 1996, une énorme tempête s'abat sur les mers du Sud, Raphaël Dinelli et Pete Goss sont au cœur de celle-ci. Des vagues immenses déferlent sur l'océan, le tout accumulé avec des vents dépassant les 70 nœuds, Dinelli enregistre même jusqu'à 90 nœuds. Cependant, une vague encore plus forte et haute que les autres s'abat sur Dinelli. Le voilà parti en surf avec son bateau à plus de 35 nœuds, lorsqu'au creux de la vague, son monocoque vient se mettre de travers. Le skipper d'Algimouss n'a alors pas le temps de reprendre le contrôle de son bateau, tandis que la vague le retourne dans un fracas qui brisa alors le mât. Ce n'est que le début des ennuis, en effet, dans le choc, le mât est venu perforé la soute avant du bateau. Le réflexe de Dinelli est alors d'enfiler sa combinaison de survie ainsi que d'activer sa balise Argos de détresse afin de demander de l'aide au PC Course. La seule personne en capacité de venir l'aider est Pete Goss, qui se trouve à 160 milles au Sud de Dinelli. Il doit alors rebrousser chemin et batailler pendant plus d'un jour contre vents et marées, après avoir chaviré lui aussi à plusieurs reprises, mais en ayant parvenu à redresser son bateau. Le lendemain, un avion de la marine australienne réussit à localiser le skipper en détresse. Le monde entier découvre alors une image effroyable, Raphaël Dinelli debout sur le pont de son bateau dont seul le haut de sa cabine et le haut de sa barre dépassent des flots. Son bateau est en train de sombrer ! Afin de lui porter assistance, les secours australiens ont décidé de lui lancer un canot de sauvetage pneumatique à bord duquel Dinelli pourra se hisser et donc être en meilleure sécurité. Il décrira : “Ils m'ont lancé le radeau de survie, j'y suis rentré et 10 minutes après mon bateau a coulé !”. Mais à ce moment-là, il n'est pas encore tiré d'affaires, son principal danger est l'hypothermie. En effet, il doit lutter dans une eau à 3 degrés en attendant que Pete Goss viennent le sauver.
Grâce à l'aide des avions militaires australiens qui ont guidé l'anglais jusqu'au naufragé, le marin d'Aqua-Quorum a pu secourir Dinelli en attrapant son harnais, le hissant par-dessus bord. Il découvre alors un rescapé en état d'hypothermie, affamé et assoiffé mais qui se trouve enfin hors de danger après plus de 36 heures de calvaire. “Ce fut mon plus beau cadeau de Noël” prononce alors Pete Goss. Il ne lui restait plus qu'à prévenir le PC Course. Il envoie alors un message indiquant “Dinelli is on board”. Raphaël Dinelli écrira ces mots dans un fax reçu le 28 décembre par Philippe Jeantot : “Mes premiers mots arrivent avec du retard car mon état physique est très mauvais. Pete me porte à bout de bras pour me déplacer, manger, faire ma toilette. Mes mains commencent juste à se décontracter et il m'est encore difficile de taper sur le clavier. J'ai lutté contre la mort pendant de très longues heures. Je suis content car Pete pense fortement que mes pieds sont sauvés”. Ces mots saisissants témoignent du calvaire subi par Dinelli et de la prouesse du sauvetage de Pete. Après l'avoir secouru, Pete Goss fera alors route vers la Tasmanie et déposera Dinelli au port de Hobart après plus de douze jours de navigation en cohabitation. Douze jours durant lesquels les marins deviennent inséparables et font la promesse de participer à une course au large tous les deux en équipe. Promesse qui sera tenue dès l'année suivante lors de leur participation en duo à la Transat Jacques Vabre 1997 à laquelle ils finiront en cinquième position. Une histoire qui se terminera magnifiquement bien lorsque Dinelli choisit Pete Goss comme témoin de mariage durant l'été 1997.
L'année 1996 s'est donc terminée sur une note peu reluisante avec le naufrage de Raphaël Dinelli, l'année 1997 va continuer sur cette lancée.
5 Janvier 1997, 63ème jour de course ! A l'arrière, l'anglais Tony Bullimore, skipper d'Exide Challenger va à son tour devoir affronter une terrible tempête. Il voit une énorme ligne noire dans les cieux se diriger vers lui, c'est la plus grosse tempête qu'il va devoir affronter sur ce parcours (lui qui a plutôt été épargné jusqu'ici par les événements). La houle devient de plus en plus forte, avec des vents à 70 nœuds, allant même jusqu'à impressionner le marin qui imagine déjà le pire si une vague plus grosse que les autres s'écrase sur lui. Il est assis à l'intérieur de son bateau, tout en étant parfaitement calme malgré les conditions dantesques dehors. Quand tout à coup retentit un énorme craquement sourd et le bateau se retourne immédiatement. “C'est la quille” se dit-il aussitôt. Son bateau est alors totalement retourné mais, bien au chaud à l'intérieur de celui-ci, Tony Bullimore est en sécurité, il ne s'inquiète pas. C'est alors que les hublots de son bateau cèdent sous la pression de l'eau. Ses premiers réflexes sont d'enfiler sa combinaison de survie ainsi que de déclencher sa balise de détresse. Il se réfugie alors dans une des seules parties du bateau contenant une bulle d'air, ce qui lui permettra de pouvoir respirer en sécurité en attendant les secours. Au même moment, à 15 milles de distance de Bullimore, Thierry Dubois, skipper d'Amnesty International subit plusieurs chavirages consécutifs et le monocoque finit par rester tête en bas au cœur des quarantièmes rugissants. Le skipper se réfugie également dans une bulle d'air au sein de son monocoque et déclenche alors sa balise de détresse à son tour. C'est la stupeur en France au sein du PC Course, à plus de deux mille cinq cent kilomètres des côtes les plus proches, deux bateaux, seulement distants de quelques milles entre eux déclenchent leur balise de détresse le même jour. Ce sera le troisième naufrage en 10 jours.
Thierry Dubois se décide alors à préparer un radeau de survie afin d'évacuer le bateau. Il explique : “J'ai ouvert la trappe arrière, j'ai sorti le radeau en gardant le bout avec moi. J'ai réussi à grimper sur la coque, à tenir un des safrans avec les balises en route. J'ai cherché mon radeau et quand j'ai tiré la ficelle, il n'y avait plus rien au bout. J'ai vu le radeau à plusieurs centaines de mètres, à moitié gonflé. Je n'avais plus de survie, ça commençait à être plus ennuyeux. je suis resté tant bien que mal sur la coque. (...) Sans radeau, je n'allais pas pouvoir rester des jours sur la coque avec le vent et les déferlantes passant par-dessus. Plusieurs fois, je me suis fait éjecter. J'ai dû nager, revenir. Je me suis explosé la tête, les lèvres et le nez sur le safran. J'allais tenter le coup de revenir à l'intérieur pour attendre, mais le bateau s'est enfoncé, la trappe est sous l'eau. Et le cul du bateau faisait de tels bonds : j'y ai renoncé.” Le CROSS ETEL déclenche alors immédiatement les secours australiens, une frégate nommée Adelaïde est alors envoyée afin de porter secours aux deux voisins naufragés. Mais la frégate est à plus de 4 jours de navigation, pour les atteindre, un renfort aérien est alors également envoyé à la recherche des skippers. C'est cet avion qui parviendra à localiser Thierry Dubois en premier, les aviateurs découvrent alors une image saisissante : le skipper assis sur sa coque, attaché au safran, attendant patiemment les secours en plein milieu de l'océan. L'avion militaire essaye alors de lui larguer des radeaux de survie afin de le mettre en sécurité. Au bout de plusieurs essais et de nombreuses galères, le skipper parvient enfin à se saisir d'un radeau et à se mettre à l'abri. Il n'est pas encore hors de danger à cause de l'hypothermie, mais ses chances de survie ont légèrement augmentées grâce au radeau de survie ainsi qu'aux provisions alimentaires qui s'y trouvent. Il peut aussi communiquer avec l'avion et les secours grâce à une radio qui est placée dans le radeau et leur envoyer des informations sur son état de santé. Les secours lui ont également expliqué les différentes procédures de sauvetage qui allaient se mettre en place afin de le sauver. “Avoir une présence humaine m'a bien aidé” confiait le skipper français.
Tony Bullimore, lui, n'a pas cette chance… L'avion militaire australien qui est parvenu à entrer en communication avec Thierry Dubois a également repéré la coque retournée du bateau Exide Challenger. Cependant, ils n'ont aucune nouvelle du skipper britannique. L'anglais est réfugié à l'intérieur d'une bulle d'air au sein de son bateau, dans le noir le plus complet, avec pour seuls vivres, du chocolat et de l'eau potable et le tout dans une eau glaciale. Il tente alors à son tour de dégager son canot de sauvetage qui est bloqué à l'intérieur de son bateau, envahi par les eaux. Mais il ne réussit pas à le récupérer. Comme si cela ne suffisait pas, il perd même un doigt dans la manœuvre : son petit doigt est tranché net. Il le regarde même s'éloigner en flottant selon ses propres mots. Tony décide donc de retourner dans sa bulle d'air au sein de son bateau, en n'ayant aucune certitude que les autorités et le PC Course aient capté son message de détresse et soient en route pour le secourir. La course autour du globe s'est transformée en course pour la survie !
7 Janvier 1997, 65ème jour de course, la situation va de nouveau empirer ! Le PC Course n'a plus aucune nouvelle du skipper canadien Gerry Roufs et de son bateau Groupe LG 2. Quelques heures auparavant, Isabelle Autissier, hors course après avoir réparé son safran au Cap, navigue à seulement quelques dizaines de milles de Gerry, alors actuellement en seconde position de la course. Positionnés tous les deux à environ 300 milles du point Némo (le point du Globe le plus éloigné de toutes terres), les deux skippers vont essuyer une terrible tempête, Isabelle Autissier va relever des pointes en rafale à 87 nœuds. “De mémoire, ce sont les plus dures que j'ai vues dans mon expérience de marin.” avouera-t-elle en 2017. L'intensité de la tempête lui cassera un doigt et fera même coucher le bateau de la navigatrice à 5 reprises en mettant sa tête de mât dans l'eau. Mais à chaque fois son bateau s'est redressé. Les deux marins vont alors échanger régulièrement par mail au beau milieu de cette tempête afin de se soutenir mentalement. Gerry Roufs écrira cette phrase qui restera comme l'une des dernières communication reçues du navigateur: “Les vagues ne sont plus des vagues, elles sont hautes comme les Alpes !”. Isabelle Autissier lui expliquera alors qu'elle a chaviré à plusieurs reprises. mais ce message restera sans réponse de la part du québécois. Elle ré-essaiera de le contacter quelques heures plus tard, pas de réponse non plus. Inquiète, elle informera alors le PC Course afin de les prévenir de la situation critique. Pire encore, la balise de Gerry Roufs cesse d'émettre précisément à 23h16 heure française. La côte la plus proche est située à plus de 2 500km de sa position, le seul être humain susceptible d'aller tenter de rechercher le navigateur disparu est son amie, Isabelle Autissier. Le lendemain, à 11h du matin, le PC Course envoie donc un message à la navigatrice lui demandant de faire demi-tour afin d'aller remonter sur la dernière position connue de Gerry. Cependant à cause des conditions de vent qui continue de souffler à plus de 60 nœuds et pile dans l'axe de la dernière position du skipper ainsi qu'à la mer déchaînée et au brouillard, la navigatrice ne peut pas voir à plus de 100 mètres devant elle.
9 Janvier 1997, la frégate Adelaïde est enfin à portée du duo de marins naufragés. Un hélicoptère décolle donc du pont de la frégate afin d'aller porter secours au premier marin sur son chemin : Thierry Dubois. Il va ainsi être hélitreuillé afin d'être mis en sécurité et soigné à bord de la frégate.
Mais il reste encore l'anglais Bullimore, dont les autorités ont repéré le bateau mais sont toujours sans nouvelles du naufragé. Lui à l'intérieur, ne peut rien faire d'autre qu'attendre, en espérant que quelqu'un ait capté son message de détresse, mais sans aucune certitude que la délivrance arrive un jour. Il explique : “J'attends, tout en essayant de me réchauffer le plus dur dans ma situation c'est de penser à tous ceux que je laissais derrière moi : ma femme, ma famille et mes amis. Les projets que j'avais pour l'avenir, je me disais je ne les réaliserai pas. Cette fois c'est fini…”. Après quasiment 5 jours de dérive pour Bullimore, la frégate arrive enfin à ses côtés. Mais toujours aucun signe du naufragé. Lui, blotti à l'intérieur de sa coque, croit entendre quelques voix dehors, “Ça y est je commence à halluciner” se dit-il. Puis il entend des gros coups sur la coque, en effet, de l'autre côté, les sauveteurs sont en train de frapper sur la coque du bateau pour le prévenir de leur présence. Il leur crie alors “Je suis là, je sors !”, prend plus grande respiration, s'échappe de la coque et refait surface hors du bateau, à côté de la vedette des sauveteurs. Le tout sous les images des passagers de la frégate qui ont filmé le sauvetage ! Fabuleux !
Mais la situation de Gerry Roufs quant à elle, est toujours critique. Après plus de deux jours de recherche dans la zone définie par les autorités, le CROSS envoie un message à Isabelle Autissier lui demandant de cesser les recherches “Vous avez toute liberté de manoeuvre, merci de votre coopération”, puis un deuxième message en voyant qu'elle n'avait pas dévié sa position. Dépitée, la navigatrice a alors continué sa route et repris la direction des Sables d'Olonne, attitude qui sera critiquée par Philippe Jeantot. Quelques jours plus tard, un cargo et quelques skippers du Vendée Globe modifient leurs caps afin de passer dans la zone de recherche, mais sans succès. L'aide d'un satellite canadien sera même utilisé afin de détecter de possibles positions où pourraient se trouver le bateau et son marin, sans succès non plus. L'espoir diminue petit à petit, sauf pour une seule personne : Michèle Cartier, la femme de Gerry Roufs. Pour elle rien n'est encore perdu, elle multiplie les passages et les appels médiatiques afin de convaincre les autorités de ne pas stopper les recherches, elle lance un fond de solidarité pour pouvoir déployer de nouveaux moyens, mais malheureusement, rien n'y fait, le bateau est toujours introuvable. Mais une lueur d'espoir va finalement apparaître. Malheureusement, malgré l'emballement médiatique et l'espoir retrouvé, la Marine Nationale Chilienne déclarera que c'était une erreur.
Malgré ce drame, la course continue. Le 17 Février, Christophe Auguin sera le premier à passer la ligne d'arrivée en 105 j 20 h 31 min ce qui constitue un nouveau record de l'épreuve.
Isabelle Autissier suivra 4 jours plus tard mais ne sera pas classée en raison de son arrêt technique au Cap.
Hervé Laurent franchira la ligne d'arrivée en deuxième position mais il sait que Marc Thiercelin bénéficiera d'une compensation en temps suite aux recherches effectuées pour essayer de retrouver Gerry Roufs. Lors du franchissement de ligne d'arrivée par Hervé Laurent, il décide alors de repartir en mer afin que Marc Thiercelin puisse rentrer dans la chenal des Sables d'Olonne en deuxième position et être acclamé comme il se doit. Suite à la compensation, Marc Thiercelin terminera l'épreuve en 113 jours tandis qu'Hervé Laurent la terminera en 114 jours.
Viendra ensuite Eric Dumont en 116 jours, puis le sauveur de Raphaël Dinelli, Pete Goss en 126 jours qui n'en reviendra pas de l'accueil qui lui a été réservé, il n'avait jamais imaginé être accueilli aussi chaleureusement ! Le président Jacques Chirac lui remettra même la Légion d'Honneur pour son acte de bravoure au beau milieu des mers du Sud. Enfin, la dernière personne à franchir la ligne d'arrivée est Christine Chabaud après plus de 140 jours de course. Elle devient alors la première concurrente féminine à terminer officiellement l'Everest des Mers. Sur les 15 marins engagés dans la course, seulement 6 parviendront à terminer cette épreuve surhumaine cette année-là. 3 autres rejoindront les Sables d'Olonne hors course après différentes escales.
Le 17 Juillet 1997, un cargo aperçoit un bateau chaviré au large des côtes chiliennes. Le lendemain, un avion de la marine chilienne se rend sur place afin de tourner quelques images du navire. Mais une violente tempête emportera de nouveau le bateau sans que l'on puisse le récupérer. Quelques temps après, des marins-pêcheurs chiliens annoncent avoir retrouvé le bateau échoué sur une plage chilienne, mais ils réclament 30 000 dollars à Michèle Cartier pour révéler son emplacement, prix qu'elle refuse de payer. 6 Septembre 1998, soit près de 20 mois après la disparition du marin, le bateau, pillé, sera retrouvé près des îles Atalaya par la marine chilienne. Mais aucun corps ne sera retrouvé au sein du bateau. Sa vie était dédiée à l'océan, l'océan a décidé de lui ôter la vie... Ce sera cependant un soulagement pour la femme du marin disparu ainsi que pour sa fille, elles pourront enfin faire leur deuil.
Suite à la dangerosité de l'édition 1996-1997, la direction de course a décidé de mettre en place plusieurs règles afin d'améliorer la sécurité des différents skippers lors des prochaines éditions. Une partie de la coque mais aussi la quille et le safran devront être peints dans une couleur fluorescente afin de mieux repérer les navires qui auront chaviré. A partir de l'édition 2016, les foils devront eux aussi suivre cette même règle. Les bateaux devront aussi subir un test de redressage après chavirage. Et enfin, une Zone d'Exclusion Antarctique sera instaurée afin d'éviter aux navires de descendre trop au Sud et d'éviter toute collision avec des icebergs. Après l'instauration de ces nouvelles règles, plus aucun décès n'est à déplorer sur la course.
Fin 2020, paraîtra un documentaire poignant produit par Radio-Canada, intitulé “Gerry Roufs, Toujours Vivant !”. Dans ce documentaire, Michèle Cartier sort, de sous son lit, une plaque de carbone de couleur bleu roi, plaque de carbone qui s'avère en fait être un reste de la coque du bateau de son mari ! Son dernier souvenir physique qu'elle conserve comme la prunelle de ses yeux. Avec sa fille, elles ont pris la décision de découper, en forme de bateau, un petit morceau de la coque retrouvée, et de coller cette pièce sur la pierre tombale de Gerry érigée à sa mémoire à Montréal. Je vous conseille vivement d'aller voir ce fameux documentaire !
Mais pour Michèle Cartier, plus rien ne sera jamais comme avant. Pour Gerry Roufs, plus rien ne sera.