Devenu une icône française après ses deux Jeux Olympiques qui lui ont été honteusement volés, Alexis Vastine aurait pu aller haut, vraiment haut si le destin ne s'en était pas mêlé… Ces décisions arbitrales très contestables lui ont gâchés 10 ans de sa vie, il n'a malheureusement pas eu le temps de se relever, la mort s'abattant sur lui lors du tournage d'une émission de télévision pour TF1… Retour sur la carrière et la vie de ce boxeur, aussi triste que tragique...
22 Août 2008, Pékin. Ils ne sont plus que 4, 4 boxeurs à prétendre et rêver du toit de l'Olympe, 4 boxeurs de moins de 64kg à grimper sur le ring afin d'accéder à la finale olympique des JO de Pékin en 2008. Manus Boonjumnong, champion olympique en titre, se défait plutôt facilement de son adversaire du jour et accède ainsi à sa deuxième finale olympique consécutive. Mais en France, les regards sont tournés vers le sportif rentrant à son tour sur le ring. S'avance alors un jeune boxeur au visage angélique, Alexis Vastine !
Alexis Vastine est un jeune pugiliste à la gueule d'ange âgé de presque 21 ans, ayant grandi dans une famille de sportif avec un père ex-boxeur, désormais entraîneur, qui a initié ses enfants dès leur plus grande jeunesse au monde des rings. “Dès que j'ai pu lever les bras, mon père m'a mis des gants de boxe” exprimera Alexis en 2012. La boxe c'est une affaire de famille, parmi les 5 enfants du couple Vastine, 4 développerons une passion pour ce sport. “Mes enfants se sont pris au jeu, exprime Alain Vastine, père du sportif. Ils étaient des compétiteurs incroyables. Dès ses 6 ans, Alexis avait déjà d'énormes capacités. Il voulait combattre. A cet âge, c'était interdit et même jugé dangereux. Je l'ai fait monter sur le ring avec la licence de son frère. Ils se ressemblent tellement ! J'ai ensuite été sanctionné pour cela.”. Ici, hors de question de venir aux matchs pour le plaisir, il faut y aller pour gagner ! Alain Vastine, le père de famille, aura ces mots plusieurs années plus tard : “Je pense que j'étais même trop dur avec eux quand ils étaient jeunes. Quelques fois ils n'avaient pas envie d'y aller mais je les ai forcé…”. Les loisirs, les sorties comme tout adolescent normal, il ne connaissent pas. Mais à force d'entraînement, les deux frères adolescents Adriani et Alexis intègrent l'INSEP afin de devenir de futurs champions. Et ça fonctionne, puisqu'en 2003 et en 2004, il remporte le titre de champion de France junior dans sa catégorie, puis remporte une médaille d'or l'année suivante aux Jeux de la francophonie et pour finir le titre de champion de France “élite” dans sa catégorie. Adriani de son côté enchaîne les titres de champions de France de 2005 à 2009. A l'occasion des championnats de monde de boxe amateur en 2007, Alexis Vastine parvient à décrocher son ticket pour les Jeux Olympiques de Pékin l'année suivante en atteignant les quarts de finale et en battant au premier tour, le champion du monde en titre. Rien que ça... Il est même désigné pour assurer un relais de la flamme olympique lors de son passage à Paris.
Petite explication sur le format et les règles de la boxe aux JO. Tout d'abord ce qu'il faut savoir c'est que c'est la boxe anglaise qui est retenue pour les combats. A la différence avec la boxe française qui peut se jouer également avec les pieds, la boxe anglaise ne se joue qu'avec les poings. Ensuite, jusqu'en 2016, seuls les boxeurs amateurs avaient le droit de participer aux JO. Contrairement à la boxe professionnelle qui se joue en combats longs, qui peuvent aller jusqu'à 12 rounds de 3 minutes, la boxe amateure se joue en seulement 3 rounds de 3 minutes. La plupart des boxeurs commencent leur carrière en boxe amateure pour ensuite la terminer en boxe professionnelle. Dans la boxe olympique, le système de notation est le suivant : lorsqu'un boxeur touche son adversaire sur une des parties du corps autorisées, il faut alors que 3 des 5 arbitres valident la touche, sinon, celle-ci n'est pas comptabilisée. En cas d'égalité, les arbitres choisissent alors quel boxeur ils décident de voir remporter le combat… Et c'est là toute la faille dans le système de notation, mais ça, nous aurons l'occasion d'y revenir…
Revenons donc à ces fameux Jeux Olympiques où Alexis se défait facilement de ses premiers adversaires, 13 - 2 au premier match, 11 - 7 au deuxième et 12 - 4 en quart de finale. Ces victoires lui permettent de lui assurer une médaille olympique. En boxe, depuis les Jeux d'Helsinki en 1952, les perdants des demies-finales empochent tous les deux une médaille de bronze et ne participent pas à un match pour la troisième place afin de soulager leurs corps. Alexis est donc assuré d'une médaille, mais il n'est pas venu là pour chercher le bronze, il est venu à Pékin pour remporter l'or ! Imaginez donc toute la hargne d'Alexis Vastine qui pourrait inscrire son nom aux côtés de légendes de la boxe comme :
Il s'avance alors tout de bleu vêtu dans le Palais des sports des ouvriers de Pékin. En face, Manuel Félix Díaz s'avance dans le coin rouge. Alexis sait que le dominicain est un adversaire à sa portée car il avait déjà eu l'occasion de le fréquenter lors de différents stages. Les deux boxeurs entrent sur le ring, et le combat commence. Au début du combat, Alexis souffre mais réussit à se remettre dans le droit chemin et à mener 9 - 6 à moins de 2 minutes du terme. Le dominicain tente alors le tout pour le tout et se jette corps et âme dans le combat, effectuant un pressing monstre sur le français. A moins d'une demie minute de l'échéance, Alexis ne mène plus que 10 à 9. À 26 secondes de la fin, l'arbitre compte une touche imaginaire pour le dominicain ! Déception en cabine commentateur française. A 12 secondes du terme, l'arbitre donne une pénalité de 2 points à Vastine lui reprochant de s'être trop accroché à son adversaire. C'en est trop pour Alexis qui finit à genoux sur le ring, croulant sous le poids de l'injustice... Le dominicain s'imposera finalement 12 à 10.
A la sortie du ring, sous le coup de l'émotion et de la colère, il pestera auprès de Brahim Asloum, champion olympique de boxe à Sydney en 2000 : “Des années de travail et voilà une médaille de bronze... de merde. Je pensais qu'en tournoi on se faisait voler mais qu'aux Jeux, avec les médias, ce n'était pas pareil. L'arbitre n'a même pas honte.” Il aura également ces mots quelques mois plus tard pour décrire ce qui s'est passé à la sortie du combat : “J'ai pleuré, j'ai crié : « Ils n'ont pas le droit », car avec tout le travail fourni ces dernières années, j'avais vraiment l'impression qu'on me volait quelque chose. Dès que je suis sorti du ring, j'ai appelé ma famille proche, j'ai continué à pleurer. Même si, au bout du compte, j'étais médaillé olympique, j'avais plus le sentiment d'avoir perdu quelque chose. [...] Sur ce combat, je n'ai pas vraiment de regrets à titre personnel. Si l'arbitre n'a pas fait correctement son travail, je n'y peux rien. J'ai dit que la médaille avait un goût amer, mais j'ai regretté mes propos, car combien de boxeurs, de sportifs n'ont pas eu la chance d'avoir une médaille olympique... Je n'avais pas trop le droit de dire ça…” Lucide après coup, il explique également que ce déchirement arbitral lui donne une force incroyable, destination Londres pour prendre sa revanche lors des Jeux de 2012. “L'avenir est à lui” conclut Brahim Asloum.
Cette désillusion après 4 ans de préparation sera vite effacée par sa rage de vaincre pour se rendre en Angleterre. Il ne le sait pas encore, mais cette désillusion pékinoise ne sera qu'un avant-goût de ce qui l'attendra sur les terres londoniennes…
Au début de ses 4 années de préparation aux Jeux de Londres, il aura songé un court instant à arrêter la boxe suite à cette cruelle injustice. Mais la nouvelle médiatisation dont il fait preuve, l'amène à digérer la pilule, à trouver de nouveaux sponsors afin de grandir et de continuer à rêver d'or olympique. Un grand dilemme va également se présenter devant lui : rester amateur ou intégrer le parcours professionnel. Il choisira de rester amateur car selon ses dires “Il me restait un goût d'inachevé, je veux aller chercher ce titre olympique qu'on m'a enlevé à Pékin”. Les bases sont posées, le sportif est conquérant ! La préparation est présente également, Alexis allant même jusqu'à s'évanouir pendant certaines séances d'entrainement à bout de forces après avoir tout donné ! L'homme vient de connaître son premier gros échec, mais il a su remonter la pente grâce à son entourage et la volonté de vaincre ! Pas de temps à perdre, il effectue des combats d'entraînement aux quatre coins du globe terrestre puis remporte, fin 2008, les championnats du monde militaires, de nouveau en 2010 et une troisième fois en 2011. Le tout, en ayant changé de catégorie de poids entre-temps, étant passé des -64kg aux -69kg.
Malgré plusieurs blessures durant sa préparation, le voilà fin prêt pour le grand jour, prêt à oublier son cauchemar pékinois ! C'est un Alexis Vastine préparé et hargneux comme jamais qui va pouvoir faire son entrée sur le ring londonien.
29 Juillet 2012, au centre d'ExCeL de Londres. L'heure est venue, la pression est grande, mais le pugiliste a acquis de l'expérience depuis les derniers Jeux quatre ans auparavant. Il s'impose sur le score de 16 touches à 12 face à l'allemand Patrick Wojcicki et se qualifie pour les huitièmes de finale qui ont lieu 5 jours plus tard. Il y sera opposé au mongol Tuvshinbat Byamba. Les trois rounds de ce combat auront réellement trois physionomies complètement différentes : le premier se termine sur le score de 3 touches partout, c'est assez courant dans le monde de la boxe amateur de commencer sur un premier round d'observation où les deux adversaires se jaugent. Lors du deuxième round, Alexis impose son rythme et sa boxe en remportant la reprise 6 à 3. Mais lors du troisième et dernier round, le natif de Pont-Audemer craque tandis que le mongol voit un espoir de se qualifier en quart de finale et donne tout pour revenir au score. Fin du round : 6 touches à 4 pour le mongol, ce qui donne au au total un score de 13 à 12 pour le français. Il n'est pas passé loin de l'élimination mais arrive tout de même à se défaire du piège de se boxeur au style caractéristique et énergique. Rendez-vous au soir du 6 Août pour un match qui s'annonce déjà comme une finale avant l'heure : Alexis Vastine sera opposé au champion du monde 2011 et tête de série numéro une : l'ukrainien Taras Shelestyuk.
Arrivé au soir de la rencontre, le français tient tête au favori sur les deux premières reprises : 5-5 durant la première puis 7-7 durant la deuxième. Tout va se jouer dans le dernier round ! C'est le moment que choisit Alexis pour exposer sa fougue au monde entier. L'ukrainien n'a aucun moment de répit, il est sous l'eau ! Le verdict ne fait aucun doute.
Dès que la cloche sonne, Alexis lève le poing rageur, souris en retournant vers son staff et est fier de lui. L'ukrainien sait qu'il a perdu le combat… Aux côtés de l'arbitre principal, le français fait son signe de croix habituel, lève les doigts et les yeux vers le ciel, lève le poing pour célébrer sa victoire, l'ukrainien quant à lui, a une mine des mauvais jours, baissant la tête… Le verdict tombe : 18 touches partout ! Stupeur et étonnement dans la salle ! Le combat s'est terminé sur une égalité, la victoire revient alors au boxeur qui a le plus attaqué selon les juges. Puis l'arbitre principal enchaîne, “Le vainqueur, après délibération des juges est le boxeur situé au coin rouge…” Bronca dans la salle, Alexis situé dans le coin bleu s'est une fois de plus fait voler ses Jeux. Seuls les quelques supporters ukrainiens applaudissent la décision des juges, le reste de la salle siffle et hue les arbitres ! Retour 4 ans en arrière, même public qui siffle l'injustice, mêmes larmes, même désillusion. A Pékin, nous pouvions parler d'une simple erreur d'arbitrage, à Londres, c'est un vol manifeste… Le boxeur vainqueur paraît totalement étonné de la décision rendue tandis que le vaincu s'écroule alors au centre du ring, les bras en croix, puis se rassoit, afin de siéger au au milieu de l'aire de combat, protestant contre les juges. L'ukrainien s'en va serrer la main du staff français afin de les féliciter malgré tout, on devine même un sentiment de gêne et d'excuses de la part du vainqueur, qui sait qu'il n'aurait jamais dû se qualifier pour les demies finales. Alexis se relève et frappe de rage poing nu dans le coin du ring tandis que le staff français fait de suite une réclamation officielle qui malheureusement n'aboutit à rien. Les larmes d'Alexis commencent à couler en descendant du ring mais le plus dur est à venir…
Il est interviewé pour France 3 en zone mixte. A la suite de son interview, nous voyons sur les images le français fondre en larmes, jeter son bidon par terre de rage, faire quelques pas, s'écrouler au sol sur ses genoux, et s'asseoir les bras pendants sur ses genoux la tête baissée, les larmes continuant de couler. Le jeune sportif est inconsolable, sa famille l'est tout autant… Il expliquera auprès des journalistes : “Je dis clairement, c'est de la politique, ce n'est pas du sport. Ce n'est pas forcément l'Ukraine (qui est favorisée). Je ne sais pas, je ne veux pas dire des choses... Mais ça existe, j'en suis sûr. Non... non... non... Pas encore... Pas deux fois. Deux fois, putain ! Deux fois !”. L'entraîneur français Jean Savarino y va aussi de sa colère : “C'est une décision insupportable ! Sur la troisième reprise Alexis fait cavalier seul, c'est lui qui marque toutes les touches. Il a pour nous six touches de différence sur la dernière reprise. Il faut que les arbitres s'achètent des lunettes, ce n'est pas possible ! Ou changent de métier !”. Malheureusement, les protestations de tout le clan français n'arrangeront rien et la décision ne sera pas modifiée… La mère du champion travaillant de nuit, elle n'a pas pu voir le combat et l'injustice subie par son fils. Alexis doit alors lui envoyer un message afin de lui apprendre la funeste nouvelle… “Il avait le cœur déchiré de lui apprendre sa défaite” exprime Alain Vastine.
Perdre après avoir été battu par plus fort que lui, il aurait pu l'accepter, mais perdre dans ses conditions, c'est une toute autre histoire…
Le scandale est né, certaines nations seraient délibérément avantagées en boxe au détriment d'autres. En cause ce jour-là, les pays de l'Est. Sur le plateau de Thierry Ardisson en 2014, le présentateur pose une question à Alexis : “Mais attendez, c'est truqué ce match ou quoi ? Parce que le mec, il est ukrainien, on nous explique toute la journée à la télé en ce moment que c'est un régime corrompu, est ce qu'il y a possibilité de corruption ?” La réponse d'Alexis sera muette mais pourtant très claire : il ne prononce pas un mot, regarde Ardisson droit dans les yeux, et fait apparaître sur son visage un sourire en coin plein d'ironie… D'autant plus que pour la première fois à Londres, les scores ne sont plus affichés en direct à la télévision, impossible donc de détecter une potentielle fraude en temps réel…
Mais malgré tout son amour pour la boxe et ce sport, là c'en est trop, huit ans de préparation et d'abnégation réduits à néant, la boxe ne coule plus dans ses veines, l'envie de se battre a disparu. S'ensuit une grosse phase de dépression où il sombre dans la malbouffe, l'alcool, les soirées… Vient alors une importante prise de poids. L'année 2013 sera cauchemardesque pour lui : “J'ai fait de la boulimie, je suis sorti quasiment sept jours sur sept” expliquera-t-il.
Canal fera un excellent reportage sur le champion à l'occasion de sa future reconstruction, voici un extrait d'Intérieur sport où il parle de sa descente aux enfers.
Alexis sait qu'il part en vrille, mais fait tout pour leur cacher son plus profond mal-être. “Je les préservais, raconte-t-il. Ce qui n'a pas empêché qu'ils ont su que je partais en vrille. Aujourd'hui, je leur présente mes excuses. M'être déçu, c'est une chose, avoir déçu ceux qui m'aiment, c'en est une autre. J'ai conscience d'avoir fait du mal à mon entourage. Au-delà même du sport, c'est un pan de ma vie qui s'est écroulé.”. Lui, le jeune homme toujours jeune, beau, fringant, souriant, respirant la joie de vivre, l'avait perdue. Mais comme l'a dit son frère Adriani, son passage dans Salut Les Terriens va lui redonner la force de se relever, et de renfiler les gants. Il troque le punch pour le punch, c'est le renouveau ! Pour cela, il rentre au CREPS de Bourges et afin de perdre ses 15kg en trop et de retrouver sa vivacité, il décide d'engager un préparateur physique qu'il connaît bien : Thierry Gautier, son ancien préparateur physique qui l'a entraîné en Junior.
L'envie de boxer est donc de retour, son niveau l'est également ! Il gagne les championnats du monde militaires en 2014 pour la quatrième fois de sa carrière. Cette victoire le conforte et le rassure, mais il a un objectif majeur dans le coin de sa tête : prendre sa revanche sur l'Olympe avec les Jeux de Rio de 2016 !
L'année 2014 était l'année de la résurrection, l'année 2015 sera l'année de la dévastation…
Début Janvier un drame va venir s'abattre sur sa famille. Le 2 au soir, Célie, une des cinq enfants de la famille, sort en boîte de nuit à Deauville fêter un anniversaire avec des copains. Vers 5 heures du matin, un de ses amis prend le volant afin de la ramener chez elle. Mais sur le chemin du retour, le Pont-Audemérien de 22 ans perd le contrôle de sa voiture en franchissant un passage à niveau et percute de plein fouet une 207 arrivant en face. Le conducteur de la 207 n'est que légèrement blessé, il en est tout autre pour les deux passagers de la Peugeot 206. Le conducteur est immédiatement transporté au CHU de Caen avec de graves blessures, mais Célie Vastine, elle, décède sur le coup. Les examens médicaux révèlent également que l'ami de Célie conduisait la voiture avec 1,5 grammes d'alcool par litre de sang et sous l'emprise de stupéfiants. Le tout, sans permis, qui lui avait été retiré en 2014 là encore pour une conduite sous l'emprise de stupéfiants… Le destin s'abat une fois de plus sur la famille Vastine… Alexis qui venait tout juste de se remettre de sa dépression, remet de nouveau un genou à terre. Il va falloir se relever, une fois de plus…
Mais la vie suit son cours, et lorsque la production ALP propose à Alexis Vastine d'intégrer le casting d'un jeu télé d'aventures qui serait diffusé sur TF1 durant l'été, il accepte immédiatement. Il s'est beaucoup entraîné pour l'émission selon son père, “Il voulait aussi le faire pour s'amuser, prendre du plaisir, oublier tous ses malheurs récents. Il était heureux d'y participer !” “Il voulait gagner cette émission pour sa sœur décédée” poursuit Redouane Asloum, le frère de Brahim.
Le concept du jeu télévisé est tout simple, les candidats sont affrétés les yeux bandés par hélicoptère au beau milieu de nulle part. Ils ont seulement avec eux une bouteille d'eau et une balise GPS de sécurité afin que les équipes de production puissent suivre les candidats en temps réel. Ils n'ont ni nourriture, ni boussole pour se repérer. Le but du jeu est de survivre et de retrouver la civilisation le plus vite possible afin de charger un téléphone portable et de pouvoir appeler le présentateur de l'émission Louis Bodin. Ce concept fait un carton en Suède et TF1 vient d'acheter les droits afin de créer une sorte de saga estivale pour 2015.
Huit sportifs ou anciens sportifs font partie du casting et sont répartis en deux équipes. D'un côté l'équipe rouge avec Anne-Flore Marxer, Alain Bernard, Philippe Candeloro et Jeannie Longo, et de l'autre l'équipe bleue de Sylvain Wiltord, Florence Arthaud, Camille Muffat, et donc, Alexis Vastine.
Le premier épisode se déroule sans encombre sur les terres d'Ushuaïa au sud de l'Argentine. L'ambiance est au beau fixe entre les candidats : il se raconte que chacun avait son rôle dans l'équipe bleue, Florence Arthaud enseignait l'orientation à ses camarades d'aventure tandis que Sylvain Wiltord n'arrêtait pas de plaisanter avec Alexis Vastine. “Avec Alexis, j'ai trouvé un pote pour la vie !” expliquera Camille Muffat à son agent.
Mais c'est finalement l'équipe rouge qui s'impose en étant la première équipe la première à retrouver la civilisation et appeler Louis Bodin. Les bleus doivent alors subir une série de trois épreuves, chaque candidat remportant une épreuve se qualifie pour la deuxième étape du jeu. Au terme de ces trois manches, c'est finalement Sylvain Wiltord qui est éliminé et doit quitter l'aventure dès la première étape.
Ils ne sont désormais plus que 7 et le froid d'Ushuaïa laisse place à la chaleur de Villa Castelli situé au Nord de l'Argentine ! Nous sommes le Lundi 9 Mars, il est 17h00, il fait près de 32°C. Après avoir profité de la piscine de l'hôtel où ils sont logés les participants entre chaque étape et après avoir échangé quelques passes de football avec les jeunes du coin, il est temps pour Alexis Vastine et ses coéquipiers de monter dans l'hélicoptère de la production afin de se rendre en plein désert aride à 40km de là, où sera situé le point de largage des participants de la deuxième étape. Les conditions sont bonnes dehors et deux hélicoptères décollent du terrain de football de Villa Castelli. Le premier équipage à décoller est constitué d'un pilote local et de 4 membres de l'équipe technique, dont un cadreur situé à l'arrière à gauche afin de pouvoir filmer, porte ouverte, l'équipage du second hélicoptère qui décolle 45 secondes plus tard avec à son bord, un pilote local, un caméraman situé à l'avant et les trois concurrents de l'équipe bleue : Florence Arthaud, Camille Muffat et Alexis Vastine. Le trajet des deux hélicoptères est le suivant, après avoir décollé, les deux hélicoptères vont effectuer un virage à 360°, repasser au-dessus du lieu de décollage puis enfin partir en direction du point de largage des participants. Pendant le vol, les deux aéronefs doivent alors rester sensiblement proches pour les besoins des plans vidéos. Le décollage se passe parfaitement bien, mais lors du 360, les trajectoires des deux hélicoptères ont différées et les appareils se sont percutés après 100 secondes de vol. Les deux rotors se touchent et se brisent, c'est la fin… Les deux hélicoptères se trouvant à 82m de hauteur chutent puis s'écrasent au sol dans un vacarme monstre… Aussitôt, un incendie se déclare dans chaque appareil, il n'y aura aucun survivant… Le rapport d'enquête est cruel… Il indique pour le premier hélicoptère : Cellule détruite ! Moteur détruit ! Rotor principal et ses pales, détruits ! Rotor de queue et ses pales, détruits ! Pour le second appareil, même constat…
En bas, c'est la panique, mais impossible de réagir, il n'y a rien à faire, si ce n'est, pleurer les 10 disparus…
Dans son livre “Coup d'arrêt", Frédéric Veille, journaliste à RTL, raconte par écrit la vie et le destin d'Alexis Vastine en forme d'hommage. Je vous lis un extrait du livre relatant les événements du 09 Mars 2015, car je trouve que les mots choisis par l'auteur expriment tellement d'émotions que je ne saurais retranscrire aussi bien que lui…
Les causes sont assez méconnues, les pilotes possèdent chacun plusieurs milliers d'heures de vol à leur actif, ils ne sont pas débutants. Sur les vidéos du crash, nous voyons qu'aucun des deux appareils ne dévie sa trajectoire. Est-ce dû à une erreur de détection visuelle des pilotes qui auraient perdu de vue l'autre appareil, et se seraient ainsi percutés ? Est-ce dû à une déconcentration des pilotes due à la nécessité de réaliser des plans de l'autre hélicoptère, et donc à voler assez proches l'un de l'autre ? Aucune idée, ce qui est sûr c'est que le rapport d'enquête n'indique aucune panne possible qui aurait pu causer l'accident, la piste de l'erreur humaine est donc privilégiée.
La famille Vastine, elle, apprend le drame qui se joue de l'autre côté du globe en regardant les chaînes d'info continues en France. Un message apparaît “URGENT”. Ce message annonce un crash en Argentine lors d'un tournage pour un jeu télévisé français. Pas de doute, il s'agit bien du jeu qu'est parti faire Alexis, mais leur fils compte-t-il parmi les victimes de l'accident ? Ils essayent de l'appeler au téléphone, sans réponse, ils tombent directement sur la messagerie… Une fois, deux fois, quatre fois, … Toujours sans réponse !
Tout à coup, le téléphone d'Adriani sonne ! Il décroche et s'attend à entendre son frère de l'autre côté du combiné. Mais ce n'est pas Alexis qui appelle… : “Adriani ! C'est Alain Bernard ! Il va falloir que tu sois fort, Alexis était dans l'hélicoptère…” C'est un monde qui s'écroule… Alexis s'en allait pour passer du bon temps à l'autre bout de la planète, il n'en reviendra malheureusement jamais… Mais le plus dur reste pour Adriani d'annoncer la nouvelle déchirante à sa famille…
Quelques jours plus tard, Alain aura ces mots pour décrire la scène qui s'est déroulée ce jour-là : “Quand les gendarmes sont venus frapper à la porte, je le savais déjà. J'ai du mal à comprendre, à réaliser, à le croire. Je me dis que ce n'est pas possible, pas encore nous par pitié ! Je viens de perdre ma fille il y a deux mois, et là je perds mon fils. Pour toute la famille, c'est dramatique. Il n'y a pas de mots. On est une famille maudite ! Alexis était juste parti faire un jeu, un jeu pour s'amuser, prendre du plaisir. Ce n'est pas dans de telles circonstances qu'on s'attend à apprendre la mort de son enfant, pas quand il est parti pour s'amuser. Comment allons-nous nous en remettre ? Je ne sais pas. J'ai envie de tout abandonner mais je n'en ai pas le droit.”
Le président de la République de l'époque, François Hollande, fera un discours d'hommage envers les trois sportifs décédés dans lequel il évoque “le destin brisé du boxeur qui aurait pu être deux fois champion olympique. Il est mort parce qu'il voulait montrer à des jeunes qu'il ne fallait jamais désespérer”.
Ce destin tragique d'un boxeur décédé en pleine gloire tout en essayant de conquérir ou reconquérir le plus grand titre de boxeur au monde n'est pas sans rappeler celui d'un certain Marcel Cerdan. Cerdan décède alors qu'il part aux Etats-Unis reconquérir son titre de champion du monde quelques mois plus tôt. Vastine de son côté, décède alors qu'il commençait sa préparation pour enfin gagner les Jeux Olympiques. Cerdan est décédé dans un crash d'avion, Vastine dans un crash d'hélicoptère…
La vie d'Alexis Vastine n'aura pas toujours été simple, et même si ce beau gosse toujours souriant préférait toujours voir le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide, la vie ne le lui rendait pas si bien, le faisant poser un genou à terre à maintes et maintes reprises… Mais il a toujours su se relever, prêt à aller conquérir l'Olympe. Ses espoirs olympiques lui ont été volés, Alexis, lui, à tout jamais s'est envolé…