Marathon des Sables 1994, au beau milieu du désert du Sahara, une énorme tempête de sable s'abat sur les coureurs de l'extrême. Parmi eux, un participant : Mauro Prosperi s'égare. Il sera retrouvé, 9 jours plus tard, 16 kilos en moins.
Aujourd'hui j'ai décidé de vous parler de course à pied. Mais rien à voir avec un 100m ou un 200m ! Cette fois, nous allons parler d'ultrafond, et plus précisément du Marathon des Sables.
Mauro Prosperi est né le 13 Juillet 1955 de l'autre côté des Alpes, à Rome. Après avoir fait ses classes dans une école d'art, son premier métier fut de devenir policier au sein de la police nationale italienne à l'âge de 18 ans. La raison principale pour laquelle il a choisi cette profession ? Les subventions de la police italienne dans la formation d'athlètes de haut niveau ! Grâce à l'obtention de ces subventions, les rêves sportifs et olympiques du jeune Mauro se rapprochent à petit pas. Selon ses propres termes, son travail consistait à rester assis sur son cheval pour surveiller les touristes flânant dans les rues italiennes, pas très passionnant... Mais grâce à ces fameuses aides pécuniaires de l'Etat, il réussit alors son rêve depuis toujours : devenir athlète sportif italien et participer aux Jeux Olympiques ! Sa discipline favorite ? Le pentathlon moderne, sport très complet mixant la natation, l'escrime, l'équitation, le tir et enfin la course à pied. Il est sélectionné avec la formation transalpine aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 1984. C'est d'ailleurs lors d'un des rassemblements pré-olympique qu'il va rencontrer la personne qui deviendra sa chère et tendre épouse : Cinzia Pagliara. Leur idylle n'en est qu'à son préambule mais tout va aller très vite pour ce jeune couple, ils décident de se marier seulement 6 mois après leur rencontre. Ils auront aussi 3 enfants au cours de leur romance qu'ils chériront comme la prunelle de leurs yeux.
Année 1987, il fait la rencontre de Giovanni Manzo, ami avec qui il deviendra très proche ! Entendant parler d'une course à pied de l'extrême organisée au beau milieu du Sahara et ayant soif d'Aventures avec un grand A, Giovanni commence à songer à y participer ! Non seulement il veut vivre une aventure sportive époustouflante, mais il veut également vivre une aventure humaine hors du commun ! Il décide donc pour cela d'en parler à son fidèle comparse : Mauro Prosperi ! Ce dernier accepte immédiatement ! Étant déjà un sportif confirmé, ce défi est d'une toute autre nature, il doit alors accroître ses entraînements afin d'être prêt le Jour J. S'il participe à une course, ce n'est pas pour faire de la figuration ! Il y va pour gagner ! Ou au moins essayer de monter sur le podium. Pour cela, il multiplie les entraînements de plus de 40km aux côtés de son ami Giovanni, ils escaladeront l'Etna à de multiples reprises afin de simuler les côtes ardues des dunes sahariennes. Pour lui : “Courir c'est être libre” ! Il ne le sait pas encore, mais le combat qu'il ira mener dans le Sahara est à l'opposé de celui pour lequel il avait signé à l'inscription...
Le Marathon des Sables a lieu chaque année depuis 1986. L'enjeu sportif de la course est resté inchangé au fil des années, c'est une course à pied en autosuffisance alimentaire longue d'environ 250km répartis en plusieurs étapes (6 cette année). Les sportifs doivent également porter dans un sac à dos avec eux qui contient leur nourriture de toute la semaine mais également tout le matériel obligatoire comme par exemple des vêtements de rechange, une boussole, un couteau, une fusée de détresse, etc. Seule l'eau est fournie par l'organisation de course. Raconté comme ça, nous pouvons nous accorder pour dire que c'est une course d'ultra trail, mais pas encore extrême. Cependant, lorsque nous précisons que cette compétition se passe en plein milieu du désert du Sahara au Maroc, sous un soleil de plomb et dont la température est régulièrement comprise entre 40 et 50°, la course prend une toute autre tournure. Dans un article pour Le Monde intitulé “Les forçats du désert”, Pierre Lepidi a transcrit : “Il fait près de 45°C et le vent qui se lève assèche encore un peu plus la bouche. Quand la piste est rectiligne sur plusieurs kilomètres, le soleil vous cuit le visage, toujours du même côté. Quelques heures plus tard, dans l'ascension des dunes, les pieds s'enfoncent dans le sable à chaque pas, les cuisses brûlent et il n'y a aucun appui. Derrière la dune, il y a une autre dune. Le ravitaillement est loin, toujours plus loin.”. Ce témoignage exprime bien le côté très extrême de la course où les coureurs vivent l'enfer. Cette course est considérée comme l'une des plus dures du monde. A l'époque, les coureurs devaient même signer un papier indiquant où ils voudraient être enterrés s'il venait à leur arriver malheur pendant la course...
Cependant, il y a un point qui diffère vraiment entre l'année 1994 où se passe son aventure et les récentes éditions : la popularité ! En 1994, Mauro Prosperi indique qu'ils étaient environ 80 à courir, ils sont aujourd'hui plus d'un millier !
Le départ de l'édition 1994 du Marathon des Sables est donné le 10 Avril à Foum Zguit. Son premier ressenti en se rendant sur place fut : “Quand je suis arrivé au Maroc, j'ai découvert une chose merveilleuse : le désert. J'ai été ensorcelé”. Son rêve naissant ne va pas de suite tourner au cauchemar. La première étape est une étape de mise en jambes, environ 25km à parcourir dans un désert de sel avec un petit peu de relief. Le premier arrivant, Jesus Corredor l'avale en moins de 2 heures ! 1 heure 52 minutes et 52 secondes pour être précis ! Mauro, lui, termine dans le premier quart des participants. A l'arrivée, avec son ami Giovanni, ils discuteront tous les deux de leur première étape, de leurs premières impressions sur la course, de leur premiers ressentis de cette épreuve dont ils en attendaient tant. L'élément clé qui les a tous les deux marqué est le vent ! Signe annonciateur de leurs futures péripéties, mais aucun des deux ne percevra ce signe sur le moment…
Les deux étapes suivantes sont légèrement plus corsées que la première avec un mélange de roches très techniques mais également de dunes sableuses harassantes physiquement. Les coureurs auront parcouru au total près de 100km durant ces trois premiers jours. L'homme de tête n'est autre qu'André Derksen, le russe futur vainqueur de l'épreuve et qui rééditera sa performance les deux années suivantes. Nos comparses italiens, eux, passent ces étapes sans trop de difficultés. Mauro sait qu'il ne pourra pas gagner la course, mais espère pouvoir accrocher un Top 10 à son palmarès. Cependant, ils savent que la prochaine étape ne sera pas de tout repos… C'est la mythique 4ème étape qui les attend. Surnommée “la 80” en raison de son nombre de kilomètres démesuré, la longueur de cette étape est près de deux fois et demi plus grande que la moyenne des étapes précédentes, elle fait peur à plus d'un concurrent sur son chemin ! Un tracé de 85km se dressera devant les coureurs de l'extrême. Ils devront courir, rappelons-le, en transportant tout leur matériel sur leur dos, en totale autonomie alimentaire, sous des chaleurs étouffantes, au beau milieu des dunes de sable où chaque pas s'enfonce dans le sol et le tout au bout du 4ème jour de course. Chaque appui fait mal, les petits bobos des étapes précédentes s'amplifient. Mais les coureurs vont enfin trouver ce qu'ils sont venus chercher : du dépassement de soi !
Au matin du Jeudi 14 Avril 1994, les coureurs s'élancent pour la plus dure et la plus éreintante partie de la course. Au fil du déroulement de l'étape, Mauro se trouve parmi les coureurs les mieux placés. Cependant, après avoir traversé le quatrième point de contrôle et récupéré ses 2 litres d'eau fournis par l'organisation de la course, il traverse un secteur rempli de dunes de sable. Très éprouvant physiquement, je vous l'accorde, mais rien de très dangereux pour un humain. Mais soudainement, la météo le prend en traître ! Une terrible tempête se lève ! Le sable vole, fouette, aveugle le coureur et irrite ses poumons à cause des particules de sables aspirées. Il expliquera dans une interview pour la BBC : “J'étais aveuglé, je ne pouvais plus respirer. Le sable a fouetté mon visage - c'était comme une tempête d'aiguilles. J'ai compris pour la première fois à quel point une tempête de sable pouvait être puissante. J'ai tourné le dos au vent et enroulé un foulard autour de mon visage pour empêcher le sable de me blesser. Je n'étais pas désorienté, mais je devais continuer à bouger pour ne pas être enterré.” Craignant d'être enseveli sous le sable s'il restait au cœur de la tempête, immobile, il décide de continuer son chemin ! C'est à ce moment-là qu'il commet sa plus grave erreur selon le célèbre aventurier Bear Grylls qui lui a consacré un épisode de sa série “Une virée en enfer”. S'être remis en marche l'a éloigné de sa position initiale et, pensant voir la piste du parcours, il s'est, au contraire, de plus en plus éloigné du chemin vers l'arrivée. La tempête a duré 8 heures ! 8 heures à lutter contre le vent, 8 heures à lutter contre le sable, 8 heures à lutter contre soi… Pendant ce temps-là, l'étape est suspendue par les organisateurs, les concurrents derrière lui sont rappelés. Arrivé au bivouac, Giovanni Manzo s'étonne de ne pas voir son ami italien, mais il se dit calmement que son compatriote a dû dévier de son chemin et être ralenti à cause de la tempête mais qu'il reviendrait sûrement après avoir retrouvé sa route. Aussi, il fut rassuré par la compétence des secours qui avaient déjà vécu des situations similaires dans les éditions précédentes et qui avaient été résolues en peu de temps. Mais tout ne va pas se passer comme prévu...
Pour Mauro la situation s'améliore enfin ! D'un coup, la tempête s'arrête, elle est repartie aussi vite qu'elle est apparue. Seulement, ses paysages et ses repères avaient tous disparus. Il faisait noir, aucun coureur à l'horizon ! Impossible pour lui de reprendre la route dans de telles conditions. Sachant que son détour à cause de la tempête lui a fait perdre tout espoir de bien figurer au classement général, il décide de dormir sur la dune dans son sac de couchage et de reprendre la course dès le lendemain en essayant de retrouver et de rattrapper les participants effectuant la course en marchant. Après sa première nuit passée sur la dune, il se leva aux aurores pour reprendre sa route. Il court pendant environ 4 heures, mais toujours aucune trace de coureurs ou du parcours. Il ne peut malheureusement pas non plus utiliser sa carte ainsi que sa boussole qu'il transporte depuis le début dans son sac puisque tous les repères indiqués sur sa carte ont été ensevelis par le mouvement des dunes de sable à cause de la tempête…
Il décide donc de grimper au sommet d'une dune de sable afin d'avoir une vue dégagée sur le désert, et donc pouvoir apercevoir quelques concurrents au loin, ou au moins des repères pour le mener à la piste. Il ne verra rien de tout cela… Sa seule vision ? Du sable à perte de vue, des dunes énormes, mais aucun concurrent… Perdu dans le désert, il était promis à l'enfer… A partir de ce moment, il décide consciemment de se mettre en mode survie et d'économiser sa demie bouteille d'eau restante. Il ne le sait pas encore, mais ce geste lui sauvera la vie quelques jours plus tard. Son deuxième geste salvateur est d'avoir uriné dans une de ses bouteilles vides afin de pouvoir la boire lorsque ses réserves d'eau seront épuisées. Il expliquera, toujours pour la BBC : “Quand j'ai réalisé que j'étais perdu, la première chose que j'ai faite a été d'uriner dans ma bouteille d'eau de rechange, car lorsque vous êtes encore bien hydraté, votre urine est la plus claire et la plus potable. Je me suis souvenu que mon grand-père m'avait raconté comment, pendant la guerre, lui et ses camarades avaient bu leur propre urine quand il n'y avait plus d'eau. Je l'ai fait par précaution, mais je n'étais pas désespéré. J'étais sûr que les organisateurs me trouveraient bientôt.”. L'épisode 5 de la série Netflix Losers lui est consacré.
Les jours passent… De son côté, Giovanni Manzo continue la course, et espère, en arrivant à chaque bivouac lors des fins d'étapes, que son ami sera là, sain et sauf en train de l'attendre. Malheureusement, ce moment n'arrivera jamais… “Je me sentais terriblement coupable car c'était moi qui avait convaincu Mauro de s'inscrire à la course.” déclara Giovanni. Mauro, lui, continue d'errer dans le désert. Il est même suivi, pendant son périple par des charognards, attendant la fin de vie du coureur pour pouvoir se délecter de sa carcasse. Lors du 4ème jour, le sportif croit halluciner, il aperçoit une maison au loin entre les dunes. Plus il avance, plus le bâtiment est visible ! Effectivement, arrivé sur place, il trouve un sanctuaire musulman autrement appelé un marabout. Situation assez ironique pour l'italien en train de lutter contre la mort, de trouver refuge dans un sanctuaire...
Mais ce marabout va lui redonner tout ce dont il avait besoin : de l'espoir ! Si un bâtiment a été construit en plein milieu du désert, c'est qu'il doit y avoir quelques humains ! Manque de chance, le mausolée est vide. Le seul habitant ? Un saint homme dans un cercueil… Néanmoins, ce sanctuaire lui apportait de l'ombre ainsi qu'un endroit où se reposer, il décide alors d'y rester plusieurs jours en attendant que quelqu'un puisse le retrouver. Grâce à tous les objets qu'il transportait dans son sac à dos depuis le début, Mauro peut prendre quelques calories. “C'était comme à la maison !” ironise-t-il. Il a ainsi pu se cuisiner les quelques rations qui se trouvaient dans son sac avec de l'urine fraîche. A partir du 4ème jour de sa disparition, il a aussi commencé à boire son urine propre qu'il avait conservée dans sa bouteille car il n'avait plus d'eau. Mais tout à coup, il a une idée afin de signaler sa présence ! Depuis le début de la course, il transportait un drapeau italien pour que lui et ses compatriotes se rejoignent dans une même tente le soir au bivouac. Il pense alors à installer son drapeau en haut du marabout. Si quelqu'un repère ce drapeau sur le bâtiment, cette personne saura que Mauro est à l'intérieur. Il grimpe alors sur le toit pour y accrocher son fameux drapeau, quand soudainement, il entend quelques bruits à l'intérieur du bâtiment ! Ce sont en fait des chauve-souris, là, sous le toit. Son instinct de survie a donc pris le dessus : il attrape une chauve-souris, sort son couteau, décapite l'animal, hache ses entrailles dans sa carcasse, et suce tout le sang de la bête pour se nourrir et rester en vie le plus longtemps possible. Il a expliqué avoir dévoré une vingtaine de chauve-souris durant les 3 jours où il est resté dans le marabout.
Plus tard, il entend un moteur se diriger vers lui. Il met alors tout en œuvre pour être repéré, mais une fois de plus, sa tentative est un échec. Suite à cette nouvelle désillusion, il a tout perdu… Il n'a plus de vêtements, et plus non plus de sac de couchage... Il réalise alors que ses chances de survie ont une nouvelle fois diminuées, et qu'elles sont presque infimes… Mauro va alors prendre l'une des décisions les plus dures de toute sa vie… Il sait qu'il est condamné à périr ici dans le désert, alors quitte à mourir, autant tout faire pour que sa dépouille soit retrouvée. Il sort alors son couteau, s'ouvre les veines du bras, et s'endort en paix avec lui-même, prêt à sacrifier sa propre vie et son infime chance de survie pour aider sa famille restée en Italie.
Mais au petit matin, Prosperi ouvre les yeux ! Sa première pensée “Mince, je ne suis pas mort !”. Effectivement, une nouvelle fois, la faucheuse a décidé de jouer avec le pauvre marathonien… Il était trop déshydraté pour mourir en se coupant les veines, son sang n'était pas assez liquide et avait déjà séché sur son bras, avant même qu'il ait le temps de se vider les veines… Il se dit alors que son heure n'était pas encore arrivée, et cet échec de mourir lui a redonné l'envie de tout faire pour se battre et retrouver sa famille ! “Mauro l'athlète était de retour.” selon ses propres mots ! Il rassemble alors le peu d'affaires qu'il lui reste et se remet en marche afin de trouver des secours et de la vie. Mais pour choisir la direction à prendre, il se rappela de ce que lui avaient raconté les Touaregs, peuple habitant le Sahara Central : “A l'aube, dirige toi vers les nuages que tu verras à l'horizon ! Ils disparaîtront durant la journée mais continue à suivre cette direction, c'est là que tu retrouveras la vie !” Le survivant suit alors ces conseils et se remet en marche dans la direction des nuages à l'aube, mais il a vraiment perdu énormément de poids : sa montre ne tient même plus sur son poignet, il voit tous ses os saillants sous sa peau, a les orbites des yeux tous creusés, est pris de forts tremblements et n'arrive même plus à uriner. Cette fois-ci, la fin est proche… Lors de sa marche, à la manière du Petit Poucet, il prend bien soin de laisser des affaires personnelles derrière lui : du dentifrice, des lacets, des chaussettes, un tee-shirt. Le tout, dans l'espoir que ces indices semés sur son parcours puisse permettre de le retrouver !
Effectivement, des recherches organisées par sa famille vont se mettre en place pour essayer de retrouver le disparu. Trois jours après la tempête de sable, son frère, son beau-frère ainsi que deux enquêteurs d'Interpol se mettent à la poursuite du marathonien. Six jours après sa disparition, les recherches ont permis de retrouver une vieille bouteille d'eau vide de Prosperi ainsi que sa couverture de survie. Deux jours plus tard, ce sera au tour des lacets d'être découverts ! Sa femme expliquera à la presse italienne que cela nourrit quelques espoirs de le retrouver sain et sauf mais ce ne sont que pour l'instant des signes qu'il est passé par là à un moment donné, mais qu'aucun de ces objets ne certifiaient le fait qu'il soit toujours vivant actuellement...
Au huitième jour, Mauro quant à lui, réussit à trouver une oasis entre les dunes ! Il arrive à peine à avaler de l'eau, mais en buvant une gorgée toutes les 10 minutes, il réussit tout de même à étancher sa soif et à gagner quelques heures de vie supplémentaire...
Le lendemain, il repère une crotte de chèvre sur le sable. Qui dit crotte de chèvre au beau milieu du désert, dit population humaine toute proche ! Son espérance et sa détermination sont en train de payer ! Il jette alors ses dernières forces dans la bataille, il sait que ce sont ses dernières chances de survie, s'il ne trouve aucun humain, il aura perdu son combat face au désert, la mort l'emportera pour de bon… Mais après avoir repéré des crottes de chèvres plus ou moins séchées, le voici qui repère des traces de pas dans le sable ! Au loin, il repère le fameux troupeau de chèvres, et au beau milieu : une petite fille. Ça y est, c'est officiel, il vient d'apercevoir le premier être humain depuis plus de 9 jours de disparition !
Mais aussitôt que la fille l'aperçoit, elle prend peur et hurle de toutes ses forces ! Comme le dit si bien Mauro, : “Je ne devais pas être très beau, j'étais tout noir à cause de la saleté…”. La petite fille s'enfuit. Il se met donc à la suivre au loin et voit qu'elle est rentrée dans une tente de berbère. Il la suit et est arrivé, sain et sauf à un campement d'habitants du désert ! Le camp est rempli de femmes, tous les hommes sont partis au marché. Ces femmes qui ont recueilli le survivant prennent alors bien soin du rescapé en le mettant à l'ombre, en lui donnant à boire du thé à la menthe ou du lait de chèvre, ainsi qu'en lui donnant de la nourriture. Mais il ne réussit pas à ingérer cette dernière, son corps est trop affaibli pour réussir à avaler de la nourriture solide.
Ça y est, on pourrait se dire qu'il est enfin hors de danger et sorti d'affaires. Et bien non, les ennuis continuent… Dans son dos, ne sachant pas qui il était, ni d'où il venait, les femmes ont appelé la police. Des militaires viennent alors l'embarquer et l'installer dans leur Jeep ! Mauro commence à avoir vraiment peur lorsque les militaires, armés de fusils, lui bandent les yeux… “Ils vont m'exécuter !” se dit-il. En fait, le coureur ne le sait pas, mais il vient de franchir le territoire d'une zone militaire interdite au public. Les habitantes ont alors supposé qu'il s'agissait d'un espion marocain… Toujours les yeux bandés, la police a commencé à faire subir un interrogatoire à Mauro pour savoir qui il était et quelles étaient ses intentions. Mais brusquement, lorsque les militaires ont compris qu'il s'agissait en fait du coureur disparu depuis 9 jours dans le désert du Sahara, tout à changé, les soldats ont commencé à célébrer le fait de l'avoir retrouvé vivant ! Ce fut un moment de bonheur immense ! Il a aussitôt été emmené à l'hôpital de Tindouf afin de faire un bilan de son état de santé et afin de le remettre sur pieds le plus rapidement possible. Il découvre alors qu'au cours de ses 9 jours de disparition, il a perdu au total 16kg et ne pèse plus que 45kg sur la balance. Les médecins découvrent alors des dommages aux reins, aux yeux ou encore au foie. Il n'a pu manger d'aliments solides seulement plusieurs mois après sa mésaventure et a mis près de deux ans pour récupérer totalement. C'est au cours de son séjour à l'hôpital qu'il prend connaissance de son périple effectué, perdu au milieu du désert. Il découvre alors que durant sa perdition, il a traversé la frontière algérienne sans le savoir et a été retrouvé à plus de 290km de la piste de la course ! Grâce aux lignes téléphoniques de l'hôpital, il peut également appeler sa famille afin de les prévenir qu'il est toujours vivant et a été retrouvé. Il appela en premier lieu sa femme, mais, étant harcelée par les médias depuis la disparition de son compagnon, celle-ci avait arrêté de décrocher le téléphone… Mauro décida alors d'appeler sa mère, qui elle finit par décrocher et averti tout le village que son fils était en vie. Lorsqu'il eut enfin sa femme au téléphone, ses premiers mots ont été : “Cinzia ? C'est moi ! Est ce que vous avez déjà organisé mes funérailles ?”. Ce fut un immense soulagement pour toute sa famille et ses amis, pour tous les organisateurs de la course, pour toute l'Italie ! Mauro le coureur s'est transformé en Mauro le survivant !
Lors de son retour en Italie, les médias ont commencé à le surnommer “Le Robinson Crusoë du Sahara !”. L'année suivante, des journalistes de la télévision italienne partent sur les traces de Prosperi et finissent par retrouver le marabout où a vécu le survivant pendant quelques jours. Dans ce mausolée, l'équipe de tournage a retrouvé quelques effets personnels de Prosperi qu'il avait laissés à l'intérieur du bâtiment. Ils ont également retrouvé les cadavres des chauve-souris que Mauro avait pris soin d'enterrer en signe d'hommage à ces animaux qui lui ont sauvé la vie.
La principale conséquence de la disparition du coureur a été au niveau sécuritaire. A partir de l'année suivante, les coureurs sont obligés d'avoir des fusées de détresses pour marins ! Elles sont plus grandes et plus visibles, certes, mais sont aussi plus lourdes, ce qui a fait grincer des dents quelques coureurs de l'époque…
D'un point de vue plus personnel, le mariage avec sa compagne n'aura pas résisté à l'épreuve sportive. A son retour en Italie, l'italien a continué, si ce n'est encore plus, à courir et à vivre sa passion sportive. Mais son épouse de l'époque, quant à elle, aimerait que le champion sportif prenne du recul et consacre enfin du temps à sa vie de famille. Les deux époux ont donc décidé de se séparer après de longues années de vie commune. Mais Prosperi explique : “Nous sommes toujours les meilleurs amis du monde, peut-être même encore plus maintenant que lorsque nous nous sommes mariés.”. La raison de leur séparation est donc son addiction au sport et à la course à pied. Mais malgré toutes ses péripéties vécues dans l'édition 1994, Mauro a décidé de se relancer dans l'aventure dès 1998. Au total, il courra le Marathon des Sables six fois de plus dans les années suivantes. Sa meilleure place a été 12ème de l'épreuve.
On laissera le mot de la fin à son ex-femme, Cinzia Pagliara qui concluera à propos de la course et de la survie de son compagnon dans le désert en 1994 : “Cette course restera pour moi la pire expérience de toute ma vie, pour lui, elle restera la meilleure qu'il n'ait jamais vécue !”.